Thomas Coville deuxième au cap de Bonne-Espérance ! Arkea Ultim Challenge Brest

Après 13 jours 13 heures 48 minutes, Thomas Coville a franchi dans la nuit de samedi à dimanche, à 3h18 (heure de Paris), par 43°12S – la longitude du cap de Bonne-Espérance. « Cape of Good Hope » est le premier des trois caps mythiques du tour du monde. Deuxième de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, le skipper de Sodebo Ultim 3 aborde la partie la plus redoutée de la course en solitaire en Ultim, d’autant plus que l’entrée dans l’océan Indien s’annonce assez complexe d’un point de vue météo.

 

L’Indien après moins de deux semaines

Dans la longue route que constitue un tour du monde en solitaire, qu’il soit en record ou en course, chaque passage des trois caps mythiques – Bonne-Espérance sous l’Afrique du sud, Leeuwin au sud-ouest de l’Australie et Horn au sud de l’Amérique du Sud – constitue un moment fort et symbolique qui fait basculer le marin dans une autre dimension. Dans la nuit de samedi à dimanche, à 3h18, c’est donc la longitude du cap de Bonne-Espérance qu’a franchie Thomas Coville, après un peu moins de deux semaines de mer, soit une moyenne de 26,3 nœuds (48 km/h) depuis le départ de Brest. A 5h45, il passait la longitude du Cap des Aiguilles qui marque l’entrée de l’Océan Indien.

La réaction de Thomas Coville après ce passage : « Cela fait deux semaines qu’on a pris le départ et il s’est passé beaucoup de choses ! Il faut beaucoup d’énergie pour être ici. J’en ai fait des tours du monde en multi et pourtant là, comme on ne décide pas de la météo du départ, il nous a réservé bien des surprises. Petit à petit, quand on arrive à cet endroit, cela devient une aventure. Et le Cap de Bonne Espérance porte bien son nom : on espère que ça va bien se passer ! La suite, vous ne la connaissez pas, l’imaginaire est dépassé. On commence à connaître les conditions, ça va être difficile comme océan. »

Des soucis de système de descente d’un foil

« C’est Bonne Espérance après une semaine bien mouvementée. » Mercredi dernier alors que Thomas Coville tenait la 3ème place et naviguait à très haute vitesse à plus de 35 nœuds, le système de descente du foil tribord s’est cassé. Cette avarie n’a provoqué aucun dommage sur la structure du trimaran, néanmoins elle empêche la descente du foil, appendice essentiel dans ces allures pour naviguer au portant, cela rend le bateau non volant et le pénalise uniquement quand il navigue en tribord. Le Team Sodebo s’est tout de suite mobilisé pour analyser le problème. Une solution de réparation a été trouvée et Thomas pourra la mettre en œuvre prochainement.  C’est une déception pour le skipper de Sodebo Ultim 3 qui naviguait dans le même système météo que le Maxi Edmond de Rothschild et SVR Lazartigue. Cette avarie l’a ralenti et il s’est retrouvé à l’arrière de la dépression.

Thomas Coville revient sur cet épisode « J’étais bien revenu sur les deux premiers pour attraper le même front, j’étais content des vitesses du bateau, et ça s’est avéré plus difficile suite à une avarie sur le système mécanique de descente du foil tribord. Avec l’équipe, nous avons réussi à stabiliser. Il n’y a pas d’avarie structurelle ou de problème majeur sur le bateau, mais pour le moment je suis handicapé sur un bord. Avec mon équipe technique nous avons la solution pour retrouver ses fonctionnalités, j’ai un peu de travail, mais je suis confiant. J’ai moins pu suivre la cadence des premiers car je me suis retrouvé en arrière du front alors que je n’étais pas loin derrière, mais je suis heureux d’être où je suis. S’aventurer ici avec un bateau volant comme Sodebo Ultim 3, c’était un rêve et on est – avec les autres marins – en train de faire quelque chose d’unique, c’est la première fois. Le réaliser aujourd’hui avec mon équipe, c’est aussi une aventure collective. C’est un sport mécanique, d’engagement et c’est un sport de groupe et ils sont tous derrière moi. »

Un effort nécessaire depuis le départ de Brest

Avant cela, pour le skipper de Sodebo Ultim 3 comme pour les autres concurrents, il a fallu batailler pour arriver jusque-là, au cours d’une descente de l’Atlantique qui, d’un point de vue météo, n’aura pas été très académique, comme le confirme Philippe Legros, membre de la cellule de routage : « Cette première partie du tour du monde a certes été relativement rapide, mais assez complexe, avec beaucoup de transitions, des phénomènes inhabituels comme le front violent avant les Canaries qui a laissé quelques traces sur certains bateaux (et provoqué l’arrêt d’Armel Le Cléac’h à Recife), des alizés pas bien établis, un Pot-au-noir finalement assez facile et le petit coup de l’élastique classique de l’Atlantique Sud, qui a permis à SVR Lazartigue et à Gitana de réussir à accrocher un front à l’entrée des quarantièmes. Suite à l’avarie, Thomas s’est de son côté retrouvé dans une position intermédiaire, qu’il a essayée de tenir le plus longtemps possible, et finalement, il s’en sort plutôt bien malgré tout. Après deux semaines de course, Sodebo est bien placé, deuxième, c’était l’objectif au départ. »

Au moment de basculer de l’ambiance tropicale du Brésil aux premiers froids du Grand Sud, Thomas Coville confiait de son côté : « On a réussi à attraper un front pour nous emmener dans les quarantièmes, c’était une bagarre très importante pour rester au contact de mes deux camarades de devant. Il y avait beaucoup de pression, il a fallu cravacher fort et mettre beaucoup d’intensité, avec des vitesses à 30-35 nœuds, deux très belles journées à presque 800 milles. C’était une performance mais elle était nécessaire, car sinon, je me faisais décrocher. » Depuis, Tom Laperche, victime d’une collision qui a endommagé le puits de dérive et le fond de coque de SVR Lazartigue, a dû mettre sa course entre parenthèses et fait route vers Le Cap, laissant le seul Charles Caudrelier en tête.

L’Indien fidèle à sa réputation ?

Thomas Coville se retrouve donc deuxième, quasiment à équidistance entre le leader, et ses poursuivants, Armel Le Cléac’h et Anthony Marchand, au moment de rentrer dans l’océan Indien. Une entrée dans un nouveau monde, fait de grisaille, de coups de vent, de mers formées et parfois cassantes, qui lui faisait dire ce matin, en sentant les prémisses de cet univers hostile : « C’est un endroit du monde qui n’appartient pas à l’homme, dans lequel on est juste toléré, il y a quelques îlots sur la route qui ne sont habités que par des scientifiques, mais sinon, il n’y a pas de vie. Ce moment, c’est un engagement, tu ne peux plus faire marche arrière, tu rentres dans le vif du sujet, le Grand Sud va t’accompagner jusqu’au cap Horn. Et ce matin, j’ai vu mon premier albatros »

« A partir de maintenant, ce n’est plus tout à fait la même course, confie de son côté Philippe Legros. Il faut adapter sa façon de naviguer à un environnement plus violent, plus hostile, on se retrouve dans des zones très reculées, avec une autonomie plus prononcée et des solutions d’escale ou de secours très lointaines, ça impacte forcément la manière de mener le bateau. Il faut en prendre soin car il protège le bonhomme. »

Et le routeur de Sodebo Ultim 3, qui fait équipe sur cet Arkea Ultim Challenge-Brest avec l’Australien Will Oxley et Dominic Vittet, d’ajouter, à propos de l’Indien : « C’est un océan difficile, il devrait d’ailleurs être fidèle à cette réputation, avec probablement une tempête active dans les prochains jours, par rapport à laquelle il va falloir se placer avec précaution. Il y a également une activité cyclonique au niveau de La Réunion qui perturbe les systèmes dépressionnaires du Sud, ce qui rend les prévisions pas très fiables, et, bien sûr, la zone des glaces à négocier, d’autant qu’elle a été remontée, jusqu’à interdire le passage au sud des îles Kerguelen. L’objectif sera de trouver un chemin dans un couloir un peu étroit, mais c’est une contrainte dont on s’accommode bien car elle sert à éviter de mettre les bateaux au milieu des icebergs. Il va falloir mettre de côté la performance par moments et naviguer en bon marin pour traverser cet océan sans encombre. »

Sodebo, la liberté a du bon !