Le nouveau défi de Thomas Coville et Jean-Luc Nélias sur Sodebo Ultim 3

Huit mois après sa mise à l’eau, Sodebo Ultim 3 prend le départ mardi à 11h, avec trois autres trimarans de la Classe Ultim 32/23, de Brest Atlantiques, course en double sans escale de 14 000 milles, qui passera par Rio de Janeiro et Le Cap. Thomas Coville et Jean-Luc Nélias, qui s’attendent à une entame engagée et rapide, évoquent les enjeux de cette nouvelle épreuve et leurs ambitions.

Le départ de Brest Atlantiques est donné mardi à 11h, quelles seront les conditions des premières heures de course ?

Jean-Luc Nélias : « Le départ s’annonce engagé, avec du vent moyen proche de 30 nœuds, mais surtout une mer très formée. C’est comme en voiture, quand la route est cabossée, c’est moins confortable. Chacun dosera son début de course en fonction de cette donne, je pense que nous serons sortis du gros du vent et de la mer au bout d’une dizaine d’heures, vers 21-22h mardi soir. Après, on va aller assez vite jusqu’au Pot-au-noir, les conditions des descentes de l’Atlantique Nord semblent favorables. »

Brest Atlantiques se dispute en double, comment appréhendez-vous ce format ?

Thomas Coville : « De par sa longueur, Brest Atlantiques est une course beaucoup plus difficile et engagée qu’une Route du Rhum ou qu’une Transat Jacques Vabre, cette dimension du double est donc juste parfaite. Dans notre fonctionnement, on est souvent seul dans la cellule de navigation, mais même quand on a le bateau pour soi, on se sent responsable de l’autre qui dort, il faut donc avoir une confiance très forte l’un dans l’autre. Le double, c’est une alchimie à trouver, le partage absolu de moments qui n’appartiennent qu’à nous.»

Jean-Luc Nélias : « En double, on est souvent seul aux commandes, pendant ces moments, on règle le pilote, on tourne les manivelles, on regarde la lune, on se fait un petit thé, on a la jouissance du bateau en solitaire… Et quand on passe le relais, on enlève ce stress du solitaire qui est de se demander si le bateau va bien se comporter pendant qu’on va dormir, on sait qu’il va être mené à 100% et en sécurité, ce qui permet de s’endormir plus facilement. C’est une formule intéressante. »

14 000 milles sans escale passant par Rio et Le Cap, quelles sont les grandes étapes de ce parcours inédit ?

Jean-Luc Nélias : « On attaque par la Mer d’Iroise, avec ces images des vagues qui submergent les phares, ce qui est le cas depuis ce week-end, on descend le Golfe de Gascogne qui, à l’automne, est un des endroits les plus durs au monde, puis une fois dans l’alizé, on cherche la meilleure entrée possible dans le Pot-au-noir. Ensuite, on longe le Brésil dans des températures tropicales et on essaie d’attraper une dépression qui nous emmène dans les mers du Sud où les températures baissent, où tu commences à voir des albatros et à devoir négocier d’éventuelles zones de glaces. On remonte au dernier moment sur Le Cap, passant en une journée du froid des mers du Sud à la chaleur du continent africain, avant de repartir dans l’autre sens le long de l’anticyclone de Sainte-Hélène, le Pot-au-noir à retraverser, pour finir par l’Atlantique Nord en plein hiver. C’est un parcours où il y a de la stratégie. Comme on va très vite, on change très vite de système météo, il faut toujours s’adapter et être sur le qui-vive en permanence. »

Vous vous élancez sur Sodebo Ultim 3, le bateau le plus récent de la flotte des Ultim, avez-vous l’impression de commencer à bien le connaître ?

Thomas Coville : « La première année d’un bateau, c’est une phase de découverte, de stabilisation des systèmes mis en place, de validation d’une plateforme qu’on a dessinée de longs mois avant. Aujourd’hui, je peux dire que je suis rassuré : avec Jean-Luc, on s’est tout de suite sentis en confiance. Certes, Sodebo Ultim 3 peut être anxiogène par sa vitesse, mais il ne nous a jamais pris en défaut en termes de sécurité. Sur Brest Atlantiques, c’est la première fois qu’on naviguera avec ce bateau aussi longtemps et aussi loin, c’est pour nous un premier jalon, c’est important de le réussir pour continuer à prendre confiance et pour pousser encore davantage le bateau. »

Quel regard portez-vous sur le plateau de Brest Atlantiques ?

Jean-Luc Nélias : « C’est un plateau de grande qualité avec des marins qui possèdent des palmarès énormes et des bateaux assez différents. Il n’y a pas encore de morphotype dans cette classe, c’est intéressant. Brest Atlantiques est une aventure car l’effort va être soutenu pendant un mois sur des bateaux turbulents, qui secouent. »

Comment vous organisez-vous pour le routage ?

Jean-Luc Nélias : « Notre cellule de routage, qui va fonctionner depuis Lorient, est dirigée par Philippe Legros, avec Thierry Douillard et Thomas Rouxel comme bras droits. L’objectif est qu’ils nous mâchent le travail et nous proposent des choix appuyés et raisonnés pour qu’ensuite, nous décidions à bord avec Thomas. »

Quel objectif sportif vous fixez-vous ?

Thomas Coville : « Nous avons un bateau et un binôme qui peuvent gagner, donc une vraie carte à jouer. Après, il faudra tenir la cadence, ces bateaux vont tellement vite que ce sont les bonhommes qui choisissent le bon dosage. Sur un mois, il faudra être patient, l’arme fatale, ce sera la durée. »

Quels sont les enjeux de cette course ?

Thomas Coville : « Après une Route du Rhum difficile, les enjeux sont importants : d’abord pour chaque team, parce que chacun a envie de performer et que Brest Atlantiques s’inscrit dans une courbe de progression. Ensuite pour la Classe Ultim 32/23, parce que le rétro-planning des courses suivantes est influencé par celle que tu fais, c’est un jeu d’échecs à plusieurs années. Je suis confiant. »

Sodebo, la liberté a du bon !