Dimanche 7 janvier à 13h30, ils seront six pionniers à s’élancer au large de Brest sur la première édition de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, course autour du monde en solitaire et en Ultim. Parmi eux Thomas Coville qui, à la barre de Sodebo Ultim 3, sans cesse optimisé depuis sa mise à l’eau au printemps 2019, va partir pour son neuvième tour du monde, avec l’ambition de le boucler. A l’aube du grand départ, fort de son expérience et d’une préparation minutieuse, le marin se sent à la fois enthousiaste et serein, confiant sa forte envie de profiter d’un moment qui va marquer l’histoire de la course au large.
Un premier pari gagné
Depuis son arrivée à Brest le vendredi 29 décembre, Sodebo Ultim 3 est l’objet de toutes attentions du Team Sodebo Voile, aux petits soins pour le trimaran, mais également pour son skipper qui, au fur et à mesure qu’approche le départ de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, entre peu à peu dans sa bulle. « Jusqu’à ce qu’on parle de météo avec l’équipe et la cellule de routage, j’essaie de rester le technicien ou le navigant habituel. C’est vraiment quand tu commences à te projeter dans le scénario météo des premiers jours, avec les images qui vont avec, que tu rentres véritablement dans la course, c’est désormais le cas », confie Thomas Coville à deux jours du départ.
Avec cependant des différences de taille pour l’Arkea Ultim Challenge-Brest par rapport aux courses majeures disputées auparavant par le marin (Route du Rhum-Destination Guadeloupe en 2022, Transat Jacques Vabre Normandie-Le Havre en novembre dernier) : la durée, estimée à 45-50 jours (contre une ou deux semaines), et la part d’inconnu que revêt ce défi inédit. « Quand tu prends le départ de la Route du Rhum, tu arrives à te projeter quasiment jusqu’à l’arrivée, donc dans ta tête, l’enjeu n’est que sportif. Là, on va s’élancer pour un événement sur lequel on ne peut pas imaginer ce qui va se passer au-delà d’un certain nombre de jours, donc tu rentres dans quelque chose de beaucoup plus nuancé, du domaine de l’imagination, de l’interprétation, de l’expérience que tu as emmagasinée. »
Pour Thomas Coville, qui a déjà bouclé huit tours du monde, dont quatre en solitaire, cette expérience unique constitue forcément un atout, mais elle reste relative au regard de ce qui l’attend sur l’Arkea Ultim Challenge-Brest : « J’ai beau avoir fait huit fois le tour de cette planète, je sais que là, il va falloir que je me réinvente, dans la mesure où je m’élance sur un bateau dont les performances n’ont rien à voir avec celles que j’ai connues jusqu’à présent. Ce qui est certain, c’est que je suis content de faire partie des six marins qui partiront de Brest dimanche. C’est vraiment une satisfaction d’avoir bâti cette histoire avec mon équipe technique, avec Sodebo qui est à mes côtés depuis 25 ans, avec Patricia Brochard. Aujourd’hui, on peut dire qu’on a gagné notre premier pari qui était d’être à Brest. »
Co-présidente de Sodebo, Patricia Brochard se félicite elle aussi de voir que la course imaginée dix ans plus tôt lors de la création du collectif Ultim (qui deviendra ensuite la classe Ultim) se concrétise : « Le chemin pour mener ce projet à son terme a été jonché d’aléas, mais c’est une grande satisfaction de le voir se réaliser aujourd’hui et d’admirer les six bateaux alignés quai Malbert. Thomas a été véritablement moteur dans cette histoire, je suis très heureuse qu’il puisse être au départ de cette course à laquelle nous pensons depuis plus de dix ans. »
Crédit photo : Léonard Legrand / Fred Morin
« Dans le bon timing »
Reste désormais à relever le défi d’aller au bout de l’aventure, un challenge que le skipper de Sodebo Ultim 3 aborde avec envie, mais également mesure : « Il n’y a pas d’euphorie possible quand tu pars pour gravir un sommet aussi haut, je pars avec une certaine modestie, mais je me sens dans le bon timing, dans la bonne maturité, pour m’y attaquer. Je le prends avec simplicité, j’essaie de garder les mots et les gestes essentiels et de ne pas me disperser, parce que je sais que le maître mot sur cette course va être de sauvegarder le moindre gramme d’énergie pour rester lucide jusqu’au bout, ça commence maintenant. »
Les conditions météo du départ, annoncées plutôt favorables (voir ci-dessous), permettent également au marin de vivre les derniers jours avec davantage de sérénité. « C’est sûr que Mère Nature nous offre un départ plutôt clément et agréable. Je me sens serein, je suis content de ne pas être submergé par l’événement, l’émotion et l’enjeu, c‘est assez agréable d’être dans cette atmosphère posée et pas subie. Est-ce que c’est ça, l’expérience ? Je pense. »
Des conditions météo idéales pour le départ
Après les coups de vent successifs des semaines passées, la météo change de régime en cette fin de semaine, augurant des conditions idéales pour le départ de Brest dimanche à 13h30, à savoir du soleil et du vent portant modéré, gages de beau spectacle sur l’eau et depuis la terre. Membre de la cellule météo sur la course autour du monde, aux côtés de Will Oxley et Dominic Vittet, Philippe Legros explique : « Nous serons dimanche sous l’influence d’un anticyclone positionné entre la Norvège et le Royaume-Uni, avec dans son sud du vent pas trop fort, une dizaine de nœuds de nord-est, qui va se renforcer légèrement en quittant la côte. »
Le programme des 24 premières heures de course ? « Au prix de quelques empannages, il va falloir traverser une dorsale anticyclonique (zone de vents faibles) positionnée au milieu du golfe de Gascogne, pour passer ensuite sur la façade est d’une grosse dépression générant des vents de sud-est qui vont permettre de filer rapidement cap au sud-ouest. La flotte devrait atteindre le cap Finisterre (au nord-ouest de la péninsule ibérique) lundi au petit matin, au bout d’une vingtaine d’heures. » La suite s’annonce visiblement plus complexe, ce que confirme Philippe Legros : « Il y a un petit minimum dépressionnaire au large de l’Espagne et du Portugal qui crée une situation mal définie : ça peut donner du vent fort, des rotations très rapides, voire des zones de vent très faible si tu es du mauvais côté. C’est un passage clé dans la journée de lundi. Derrière, les alizés ne sont pour l’instant pas très bien installés, les bateaux devraient être à l’équateur en six-sept jours. »
Crédit photo : Vincent Curutchet