Plus de 6 jours d’avance à 2000 milles de l’arrivée

Fin d’après-midi mercredi 21 décembre : Thomas Coville continue sa remontée de l’Atlantique nord. Il est positionné à la hauteur du sud marocain à près de 2000 milles (3704 km) de la ligne d’arrivée après avoir parcouru déjà plus de 25 000 milles (45 000km). Le skipper de Sodebo Ultim’ navigue encore dans les alizés avec plus de six jours d’avance sur le temps de référence du tour du monde à la voile en solitaire, un chrono que Francis Joyon détient depuis janvier 2008.

Thomas Coville doit encore contourner l’anticyclone des Açores qui s’étale à l’ouest des Açores et barre la route directe vers Ouessant. La position du centre de cette célèbre zone de dévent est difficile à déterminer, mais les routages semblent s’accorder. Une chose est sûre, la route la plus rapide ne sera pas la plus courte ! Malgré cette inconnue, la date de passage de la ligne d’arrivée semble se préciser : entre le 25 dans la soirée et le 26 en fin de journée.

Joint par téléphone cet après-midi, Thomas Coville raconte cette remontée scabreuse. Après 45 jours de mer, la fatigue commence à se faire sentir.

 

Cette remontée dans l’alizé semble difficile…

« Ce tronçon entre la latitude du Cap Vert et celle des Iles Canaries n’est pas la partie la plus drôle de ce tour du monde. Tu es face à la mer, c’est très humide. Dès que je mets le nez dehors, je m’équipe car ça mouille. Depuis deux jours, la météo est très instable avec des vents irréguliers et beaucoup de grains. En température il fait bon mais ça s’est bien rafraîchi. »

 

Ralentir le bateau pour éviter de partir en survitesse

« Le plus difficile ce n’est pas de faire accélérer le bateau mais de le faire ralentir, car face à la mer, on peut tout casser. C’est difficile techniquement, du coup je dors très peu. Mentalement ce n’est pas très agréable. Mais je m’y attendais car ce n’est pas ma première fois. A chaque fois que je fais cette remontée, c’est une bonne piqure de rappel. »

 

On pourrait penser que c’est un endroit facile….

« Cet alizé c’est la période la plus désertique où il se passe le moins de choses. Quand tu le fais dans le sens de la descente vers les Antilles, c’est plutôt agréable mais dans la remontée c’est très déplaisant. J’aime bien la lumière de l’alizé du soir. C’est le moment où je m’accorde un thé sur le pont et en ciré. »

 

Les jours qui viennent

« L’enchaînement à suivre va être très physique. On va se faire toute la garde-robe dans les deux sens. Il va falloir redéployer toute la toile. Ça va être très très physique. Ensuite ce sera un long run à faire dans du vent très fort que j’appréhende et qui est loin de me laisser serein. J’ai cette gamberge-là dans la tête de savoir à quelle sauce je vais être mangé et comment ça va se finir. »

 

En forme et fatigué ?

« Je n’ai pas de problème physique, pas de tendinite c’est la preuve que je m’hydrate bien. Je ne suis pas blessé et c’est un point important. J’ai certainement perdu un peu de poids, je me sens comme du coton. Vu tout ce que je donne comme énergie, je dois avoir certaines carences. J’adore manœuvrer et je le fais plutôt bien généralement, mais je vois bien que je suis plus lent, que les manœuvres durent plus longtemps. Je ne me suis pas beaucoup épargné. »

 

C’est la première fois que quelqu’un s’expose à faire un tour du monde avec un bateau aussi grand

« Par rapport à mon bateau d’avant, il y a une vraie rupture technologique qui fait que je suis bien plus rapide en termes de vitesse sur l’eau. Avec Sodebo Ultim’ il faut une réactivité énorme pour traverser les systèmes météo. C’est la première fois que quelqu’un s’expose à faire un tour du monde avec un bateau aussi grand et avec des voiles aussi lourdes. Remplies d’eau, les voiles d’avant font entre 110 et 120 kilos, voire plus. Les rouler, dérouler c’est long, et en Atlantique Sud, j’en ai fait ! Les atouts et les avantages dont j’ai retiré le maximum dans la descente jusqu’au Cap Horn, je les paie maintenant. Physiquement c’est le revers de la médaille. J’aurais pu m’accorder d’être plus lent en me disant de faire moins de manœuvres et de rater un système, mais je n’ai pas fait ce choix-là, donc on verra si c’était le bon. »

Sodebo, la liberté a du bon !